jeudi 7 mars 2013

J'habite à côté du Star

À Strasbourg, le Star est une institution. Comme cinéma, parce qu'il draine chaque jour des centaines de spectateurs. Mais aussi comme le lieu d'un meurtre atroce. Une affaire qui, de 1995 à 2001, a défrayé la chronique dans la capitale alsacienne.

L'entrée du Star, rue-du-Jeu-des-Enfants, Strasbourg / Julie L.

Étrange disparition


17 mai 1995. Le projectionniste du cinéma, Roland Moog, reçoit un appel sur son lieu de travail. Sa compagne, Carole Prin, est sur le point d'accoucher, elle part pour la clinique. Roland Moog doit l'y rejoindre dès qu'il a trouvé quelqu'un pour le remplacer.

Mais Carole Prin n'arrive jamais à la clinique. Les enquêteurs sont inquiets : a-t-elle été enlevée sur le chemin de l'hôpital ? Ils ont du mal à y croire. Roland Moog, lui, ne semble montrer ni inquiétude, ni émotion quelconque. Il devient le suspect n°1 des policiers. Mais les enquêteurs n'ont aucune preuve pour l'inculper.

Preuve manquante


Mars 1999. Presque quatre ans sont passés depuis la disparition de Carole Prin, et toujours aucune trace de la jeune femme. Roland Moog est pourtant en prison depuis trois mois. La juge d'instruction l'a mis en examen en décembre 1998 : trop de soupçons pesaient sur lui.

C'est alors que le frère jumeau et un ami de Roland Moog font la macabre découverte. En vidant le garage de cet ami, les deux hommes découvrent une malle appartenant à Roland Moog. À l'intérieur : des os et des cheveux. Quelques jours plus tard, Daniel Moog va dénoncer son frère à la juge d'instruction. Les enquêteurs ont la preuve qui leur manquait.

Coupable


Novembre 2001. Le procès de Roland Moog s'ouvre devant la Cour d'Assises du Bas-Rhin. À la barre, il réitère les aveux qu'il a fait aux enquêteurs deux ans plus tôt : Carole Prin et lui se sont disputés dans la cave du Star. Elle voulait le quitter après la naissance de l'enfant. Il n'a pas supporté, il lui a tiré une balle dans la tête.

Des éléments que remettent en cause la partie civile et l'avocat général. Si Carole Prin avait été tuée dans la cave du Star, en pleine journée, les spectateurs auraient entendu la détonation. Par ailleurs, les enquêteurs n'ont retrouvé aucune trace de sang ni de matière humaine dans la cave. En revanche, avec le corps, des débris végétaux pouvant provenir de la forêt.

Cadavre déplacé


Ce qui est sûr, toutefois, c'est que le corps de Carole Prin a bien été emballé dans des sacs, puis emmuré dans la cave du Star. Jusqu'à ce que Roland Moog apprenne qu'une perquisition doive y avoir lieu, et ne déplace le corps dans la fameuse malle.

Le 7 décembre 2001, au terme de neuf jours de procès, Roland Moog est condamné à 25 ans de réclusion criminelle, avec 15 ans de sûreté. Mais on ne sait toujours pas pourquoi le projectionniste a tué sa compagne. Avait-il peur que la venue de l'enfant ne trouble sa double vie bien rangée ?

Pendant des mois, les spectateurs qui quittaient les salles sont donc passés tout près du cadavre de Carole Prin. Aujourd'hui encore, les spectateurs qui quittent les salles passent tout près de l'endroit où, il y a quelques années, était emmuré le corps d'une femme qui s'apprêtait à donner la vie.

Je fais régulièrement partie de ces spectateurs. Bref, j'habite à côté du Star.



Pour en savoir plus sur l'affaire :


Faites entrer l'accusé a consacré l'un de ses meilleurs épisodes à cette affaire, le 25 octobre 2009


France Culture, Sur les Docks, « Roland Moog, projectionniste au Star », un documentaire de Christophe Deleu et François Teste, 7 mars 2006

Europe 1, Café Crimes de Jacques Pradel, 5 mars 2010

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire