vendredi 15 mars 2013

Dominici, Patrick Henry, Ranucci et les autres

Du 11 au 22 mars, l'association Vidéo les beaux jours organise une série de projections- débats sur le thème « Filmer la justice ». Au programme mercredi 13 mars : l'émission Trente ans de télévision sur le thème « Trente ans de faits-divers ».


L'arrestation de Lucien Léger, le 5 juillet 1964

« Le faits-divers, c'est comme une déchirure à travers laquelle une société se révèle ». Ainsi commence Gilles Perrault, qui entame ainsi cette immense rétrospective des plus grands faits-divers de 1954 à 1987.

Le journaliste commente et analyse, à travers les images d'archive, la façon dont la télévision s'est emparée du faits-divers.


Arrestation en direct



D'abord, des interviews exclusives : pour la première fois, on autorise à filmer un accusé pour Cinq Colonnes à la une. Cet accusé, c'est Gaston Dominici, dans la cour de la prison des Baumettes. Quelques années plus tard, c'est Marie Besnard, « l'empoisonneuse », qui s'exprime face aux Français : « Je voudrais que vous puissiez penser une minute seulement que je suis innocente ».
En 1964, c'est une petite révolution télévisuelle : Lucien Léger, « l'étrangleur » du petit Luc Taron, 11 ans, est arrêté en direct pendant le journal de 20 heures.

Des images qu'on ne pourrait plus voir aujourd'hui (voir photo ci-dessus). Depuis la loi Guigou, en 2000, il est désormais interdit de montrer des personnes menottées. Alors que Lucien Léger, lui exhibe clairement ses menottes, comme un pied-de-nez à la famille de la victime. Ce soir, la star, c'est lui.


« La France a peur »



Le pouvoir de la télévision commence à se faire sentir. L'opinion publique réagit, et les acteurs du petit écran font tout pour cela.

L'affaire de Bruay-en-Artois, en 1972, montre la force de l'opinion publique. Après le meurtre de Brigitte Dewevre, une jeune femme, la colère est exacerbée. « Menteur ! Assassin ! » crie la foule derrière la voiture qui emporte le notaire Pierre Leroy, principal suspect à l'époque, au palais de justice.


6 avril 1972 : l'affaire de Bruay-en-Artois éclate par France3Nord-Pas-de-Calais

Mais la force des médias se retrouve surtout ce 18 février 1976. « La France a peur », scande Roger Gicquel lors du JT. Le petit Philippe est mort. « L'affaire Patrick Henry » prend des proportions incontrôlables.



C'est dans ce contexte qu'est jugé, puis condamné Christian Ranucci, le 28 juillet 1976.



Mais Gilles Perrault est, dans cette affaire, juge et partie. En tant que présentateur de cette émission, il n'hésite pas à condamner les médias, qu'il tient responsables de la mise à mort de Ranucci. Un jeune homme accusé à tort selon lui, thèse qu'il développe dans son livre Le Pull-over rouge.


Sensationnalisme



En 1979, c'est la mort de Mesrine et son cadavre au volant de sa voiture qui sont montrés, sans tabou, sur le petit écran. Alors qu'en arrière-plan on voit l'évacuation du corps, les reporters sont sur place, porte de Clignancourt, pour commenter l'événement. Même mort, Mesrine est une star.


LA MORT DE JACQUES MESRINE LE 2 NOVENBRE 1979 A... par mafia93370


Ce documentaire est un bon plaidoyer contre la peine de mort. Il montre, à travers l'évolution de ces faits-divers dans les médias, l'évolution de l'opinion publique elle-même.

Dommage cependant que soient éludées certaines affaires au puissant retentissement médiatique, comme l'enlèvement du Baron Empain, en 1978, ou l'affaire Grégory, en 1984, à peine évoquée.

À travers ces trente ans de télévision, on voit bien, cependant, quel contre-pouvoir peuvent représenter les médias face à une justice souvent intransigeante et parfois défaillante.

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